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Commentaire : L'idée d'un vin désalcoolisé est consternante

Un producteur s'est adressé à l'industrie des boissons pour exprimer son point de vue sur la tendance croissante des vins désalcoolisés. Dans un commentaire anonyme, il fait part de ses inquiétudes quant à ce concept. 

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Il y a quelques semaines, l'ISVV, l'institut d'œnologie de Bordeaux, a organisé un forum sur le thème des vins désalcoolisés. J'ai assisté à cette conférence et j'en suis ressorti consterné.

Depuis plusieurs mois, mes collègues et moi-même étudions la possibilité de produire un vin désalcoolisé. Depuis que nous nous sommes engagés dans cette démarche, et que nous avons commencé à comprendre la méthodologie, il nous a semblé que nous commencions à marcher sur la tête ! Et encore plus depuis cette conférence à l'ISVV, j'en suis totalement convaincu.

Pour produire un vin désalcoolisé, il faut d'abord s'adresser à des entreprises qui disposent d'une technologie extrêmement sophistiquée et très coûteuse. Cette première partie est déjà une aberration, car elle nécessite beaucoup d'énergie, mais entraîne aussi une perte de produit, entre 15 et 20 %, et des résidus qu'il faut recycler. Par conséquent, le produit final aura un coût de production très élevé.

Il est important de noter que ces procédés technologiques modifient complètement le produit initial. Tout d'abord, en lui enlevant ses arômes, sa structure et son volume en bouche, le rendant insipide et maigre. Le produit en l'état est inutilisable car son acidité est devenue très élevée, laissant l'impression d'une solution aqueuse acide inintéressante. Dans le cas d'un vin rouge, le résultat est encore plus désastreux, car à l'acidité s'ajoute l'âpreté des tanins, et l'on s'approche alors de l'imbuvabilité.

Que peut-on faire pour que ce produit ressemble au vin dont il porte le nom ? Eh bien, une fois les composants retirés, il faut tout reconstruire ! Cette reconstruction consiste à ajouter des arômes pour que le produit ressemble au cépage ou au style aromatique dont il est issu. Pour cela, il faut faire appel à la large gamme de produits aromatiques disponibles aujourd'hui dans l'industrie alimentaire. Il faut ensuite construire le palais pour le rendre volumineux et soyeux. Pour cela, il faut ajouter au moins 40 g de sucre par litre et d'autres substances pour donner l'impression d'un certain volume en bouche. Certaines de ces substances sont utilisées dans la bière et d'autres boissons, mais elles n'ont jamais été autorisées dans le vin auparavant.

Ensuite, il faut s'assurer de la stabilité microbiologique et nutritionnelle du produit. Tant qu'il y a de l'alcool dans le vin, celui-ci est protégé du risque de contamination par des champignons ou des bactéries extrêmement nocifs pour l'organisme, comme le sont déjà toutes les boissons non alcoolisées. L'ajout de sucre permet également aux levures de se développer pour réassaisonner le produit.

Il existe un certain nombre de produits utilisés dans l'industrie alimentaire pour obtenir cette stabilité, mais le seul remède vraiment efficace est la pasteurisation. Ce procédé consiste à exposer le liquide à une température de 70°C pendant plusieurs dizaines de minutes. Une telle chaleur pendant ce laps de temps ne peut être sans impact sur les qualités organoleptiques du produit.

Une autre utilisation considérable de l'énergie.

En tant que producteur de vin, je me demande donc pourquoi nous produirions du vin pour le détruire et trouver ensuite toutes les astuces possibles pour essayer de le reconstruire ! Il est également ressorti de la conférence que tous les vins ne répondent pas aussi facilement à l'objectif et qu'il serait certainement nécessaire de concevoir des vins spécifiquement pour la désalcoolisation. Le vin désalcoolisé ne sera donc jamais l'équivalent d'un bon vin dont on aurait retiré l'alcool.

L'objectif semble satisfaire les consommateurs qui veulent consommer un produit sain, mais dans ce cas, ils n'en connaissent pas les inconvénients. Ces produits sont loin de tous les principes qui sous-tendent la production de vin. Le vin est le produit de la transformation du sucre du raisin en alcool, et il tire toutes ces caractéristiques d'un cépage, d'une origine, d'un climat, d'un processus humain, d'une créativité, etc... .... Comment peut-on imaginer détruire un art aussi ancestral pour le reconstruire artificiellement par la chimie et en faire une mauvaise copie !

Nous, les vignerons, sommes obligés de nous battre au quotidien pour que nos produits soient élaborés dans des conditions strictes, respectueuses de notre environnement et surtout des consommateurs. Ces alternatives désalcoolisées ne respectent rien. Aucun engagement ne leur est demandé et il va sans dire qu'au vu de ce qui a été dit plus haut, leur bilan carbone est tellement désastreux qu'ils ne pourront jamais égaler l'engagement environnemental exigé des vrais producteurs de vin.

Certains consommateurs me disent : "Je ne veux pas boire d'alcool pendant la semaine, mais je le fais volontiers le week-end". Pourquoi alors boire un produit fabriqué à partir d'un ancien produit alcoolisé et ne pas consommer directement une boisson qui n'a jamais eu à faire avec la production d'alcool ? Ils rendront un plus grand service à la planète. Et ils seront en bien meilleure santé, plutôt que d'ingurgiter ces faux vins pleins de sucre et tous ces autres produits que je n'ose pas citer.

Écrit sous le pseudonyme "Jama L

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