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Les défis de la renaissance du vin canadien

Après des décennies de tergiversations anonymes, le vin canadien est en train de s'imposer. Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps et quelle est la prochaine étape ? Kathleen Willcox en parle.

Selon Wines of Canada, il existe plus de 650 établissements vinicoles, 1 770 viticulteurs et 31 650 hectares de vignes dans quatre grandes régions de production (Colombie-Britannique, Ontario, Nouvelle-Écosse et Québec).

La croissance et l'amélioration de la qualité ont été particulièrement impressionnantes en Ontario, où la production de vins mousseux a doublé au cours des cinq dernières années, et où environ un tiers des vins sont produits selon la méthode traditionnelle.

La Colombie-Britannique est également en plein essor : en 2019, on comptait 284 établissements vinicoles et 11 085 acres de vignes, contre 131 établissements vinicoles et 6 632 acres en 2006.

Des viticulteurs comme Thomas Bachelder, de l'entreprise ontarienne Bachelder Wines, pensent que l'air du temps et les modèles de croissance positifs se conjuguent pour mettre enfin les vins canadiens sur le devant de la scène.

"Notre heure est venue", déclare M. Bachelder. "Les amateurs de vin sont fatigués des arômes de confiture et des taux d'alcool élevés. Nos vins sont frais et cultivés sur du calcaire. Il y a de l'avenir là-dedans !

Les portiers sont eux aussi impressionnés. Un vaste rapport publié dans le Wine Spectator en 2020 a révélé que 40 % des vins de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont obtenu une note de 90 points ou plus, ce qui représente une augmentation considérable de la qualité par rapport à l'évaluation précédente du magazine dans les années 1990, lorsque 20 % des vins avaient obtenu une note exceptionnelle.

Il y a cependant plusieurs "mais".

Mais : Les difficultés du commerce interprovincial, le blues de la distribution aux États-Unis

Le Canada est un pays, mais en matière de commerce, il est loin d'être unifié. Un récent rapport sur l'état du commerce intérieur de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante fait état des obstacles au commerce entre les provinces et les territoires du pays, ainsi que de la lenteur avec laquelle le gouvernement s'efforce de résoudre les problèmes.

Près de 90 % des petites entreprises canadiennes souhaitent que le gouvernement fasse davantage pour supprimer les barrières qui entravent la circulation des marchandises. L'alcool, y compris le vin, la bière et les spiritueux, est l'un des secteurs qui présente le plus d'obstacles au libre-échange, selon le rapport, qui indique que "l'incapacité de transporter des boissons alcoolisées" à travers les frontières "continue d'être un irritant exceptionnel" qui entrave gravement la croissance.

Un rapport distinct de l'Institut Macdonald-Laurier souligne que les coûts commerciaux élevés (entre 8 et 22 % en moyenne) réduisent non seulement les résultats des entreprises concernées, mais aussi "la productivité globale et le niveau de vie des Canadiens".

Alors que la plupart des chefs d'entreprise répugnent à jeter le discrédit sur leur gouvernement, André Proulx, cofondateur de 80X Wine Company en Ontario, journaliste et podcasteur de renom, n'hésite pas à dire ce qu'il pense.

"Le gouvernement de l'Ontario ne pourrait pas se foutre davantage de l'industrie du vin s'il essayait", déclare M. Proulx. "Et oui, vous pouvez me citer. Il nous oblige même à nous battre pour l'espace d'étalage dans les magasins de spiritueux monopolistiques. Nous sommes en concurrence avec les vins importés, et il n'y a aucune fierté à soutenir les producteurs locaux. Même dans les restaurants de Toronto, les sommeliers se moquent éperdument des vins de l'Ontario, à quelques exceptions notables près."

M. Proulx, qui produit environ 400 caisses de vin, affirme qu'il "exporterait son vin aux États-Unis" ou qu'il l'enverrait dans d'autres provinces si la quantité de paperasserie et les majorations inévitables ne rendaient pas la chose presque impossible.

"Notre raison d'être est de produire le meilleur vin possible à un prix abordable", explique-t-il. "Nous n'avons pas de pedigree bourguignon. Pensez-vous que quelqu'un à New York va acheter un vin canadien à 35 dollars dont il n'a jamais entendu parler alors qu'il peut se procurer un vin bien connu de Californie ou de France pour le même prix ou moins ?

D'autres se heurtent à des obstacles bureaucratiques tout aussi obtus et apparemment illogiques lorsqu'il s'agit d'exporter leurs vins vers leurs voisins méridionaux.

"La structure générale de la distribution d'alcool en Amérique du Nord ne nous a pas aidés", déclare Ilya Senchuk, chef viticulteur et cofondateur de Leaning Post Wines. "À l'instar du Canada, qui compte 13 juridictions différentes en matière d'alcool, les États-Unis sont soumis à 50 réglementations nationales différentes, ce qui représente un défi de taille, en particulier pour un petit producteur comme le nôtre.

L'entrée au Danemark et au Royaume-Uni, poursuit M. Senchuk, a été tout aussi facile.

Aux États-Unis, il faut considérer chaque État comme son propre "pays" du point de vue de la distribution", ajoute M. Senchuk.

Mais : La taille relativement petite du Canada

Si la croissance récente du vin canadien est impressionnante, elle reste relativement modeste. Si l'on compare les 650 établissements vinicoles et les 31 650 hectares de vignes de l'ensemble du pays aux régions californiennes de Napa et de Sonoma, qui comptent chacune plus de 400 établissements vinicoles et respectivement 45 000 et 23 585 hectares de vignes, on peut se faire une idée de la taille et de la puissance relatives de ce secteur.

Il n'y a pas non plus de grands domaines viticoles bien faits qui puissent servir d'ambassadeurs pour le Canada dans son ensemble.

"Nous n'avons pas de La Crema canadien", dit M. Proulx. "Tous ceux qui font du bon vin le font à très petite échelle.

M. Bachelder reconnaît que les meilleurs vins sont produits en petits lots, à des prix élevés.

"Les meilleurs vins canadiens sont actuellement produits en petites quantités, et les vins sont chers parce que les coûts de production sont élevés", explique-t-il. "

Mais : Personne ne connaît les vins canadiens

Les petites quantités, les prix élevés et la méconnaissance générale de la culture vinicole du pays sont autant de défis à relever pour le Canada.

"Les vins canadiens sont mal connus", explique M. Bachelder. "Pour de nombreuses personnes à l'étranger, leur connaissance des vins canadiens commence et se termine par le vin de glace. Lorsqu'ils sont confrontés à des vins tranquilles et secs, ils ne peuvent pas croire que le Canada est assez chaud pour produire du vin de table."

Pour illustrer cette question, M. Senchuk compare l'évolution du vin de l'Ontario à celle de l'Oregon.

"Toute tentative sérieuse d'exporter des vins ontariens intéressants - en dehors du vin de glace - est récente", explique M. Senchuk. "L'Oregon et l'Ontario ont tous deux entamé une véritable transformation viticole à peu près au même moment, à la fin des années 1970."

L'Oregon a commencé à envoyer ses meilleurs pinots noirs et chardonnays dans le reste du pays et à l'étranger presque dès le début, observe M. Senchuk.

"L'Ontario a commencé à exporter vers des marchés comme le Royaume-Uni dans les années 2010 et le Danemark et les États-Unis seulement depuis quelques années", explique M. Senchuk.

Marika Vida-Arnold, sommelière, enseignante en œnologie et fondatrice de Vida Et Fils Wine Consulting Company, qui a grandi au Canada et a suivi l'évolution de près, compare le vin canadien au vin suisse.

"Les avantages et les inconvénients sont souvent les mêmes", explique M. Vida-Arnold. "Le vin s'est constamment amélioré au cours des 30 dernières années et, franchement, en raison du changement climatique, il continuera à s'améliorer. Mais il est cher et la production est très faible. Il est extrêmement difficile de le transporter d'une province à l'autre, puis aux États-Unis. J'espère vraiment que le gouvernement facilitera les choses, car j'adorerais voir plus de grands vins canadiens aux États-Unis !

Le vin canadien n'en est qu'à ses débuts dans le monde. Actuellement, cette industrie de 11,6 milliards de dollars connaît une croissance à deux chiffres et le vin est le produit agricole à plus forte valeur ajoutée du pays.

La vitesse à laquelle ces chiffres continuent d'augmenter dépend d'un grand nombre de facteurs sur lesquels les viticulteurs n'ont que très peu de contrôle.

Les importations représentent environ 70 % des ventes totales de vin au Canada, et plus de 92 % des vins entrent dans le pays en franchise de droits. Cependant, la vente de vins canadiens d'une province à l'autre est difficile et alourdie par des taxes et des frais supplémentaires.

Depuis des années, le secteur vitivinicole réclame un soutien accru de la part du gouvernement, en rappelant les milliards de dollars d'aide que les gouvernements étrangers accordent à leurs vignobles nationaux.

Il semble que quelqu'un, quelque part, soit à l'écoute. Le 1er mars, le gouvernement fédéral du Canada a prolongé le programme d'aide au secteur vitivinicole afin de fournir 177 millions de dollars supplémentaires sur trois ans pour aider le secteur vitivinicole à devenir plus compétitif.

"Nous n'en sommes qu'au début de notre voyage", déclare M. Senchuk. "Une fois que nous aurons mis plus de nos vins dans les verres des consommateurs du monde entier, ils verront que nos vins sont fins, charmants et subtils, avec de l'énergie, de la jeunesse, de la vivacité et de l'enthousiasme.

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